Préalable à une analyse de terrain
Lors de l’apparition d’affleurements exceptionnels à la suite d’une tempête, il est généralement intéressant de prévenir les autorités et le Conservatoire du Littoral ou les gestionnaires de sites Natura 2000 ou d’en faire part aux gendarmes surveillant les lieux. L’information peut aussi être transmise aux laboratoires de recherche proches de manière à ce que l’affleurement soit répertorié et que des analyses puissent être entreprises par la suite, et de préférence avant que le recul du rivage ne le détruise définitivement. Individuellement, chacun de ces témoignages n’offre pas toujours une information suffisante, mais l’accumulation des observations au fur et à mesure que les tempêtes mettent à jour des affleurements spécifiques permet à terme de renseigner l’évolution du site en y décelant d’éventuels événements tempétueux ou de submersion ancienne.
Préalable incontournable à une campagne de sondage
Une campagne de sondages consiste à effectuer, verticalement dans la profondeur du sol, des forages à la tarière ou à réaliser le prélèvement de carottes. Selon les matériels employés (manuels ou mécanisés, installés ou non sur un véhicule) et les formations sédimentaires traversées, ceux-ci peuvent aller de quelques mètres à plus de 10 mètres de profondeur.


Avant toute campagne de sondages sur un site ayant préservé les archives sédimentaires, il est nécessaire de localiser la zone à sonder à partir des photos aériennes (IGN, Géoportail ou Google Earth par exemple) et d’effectuer, si possible, une visite préalable permettant le choix des meilleurs emplacements potentiels. La faisabilité et les conditions les plus favorables à l’implantation d’un sondage sur le terrain doivent ensuite être vérifiées sur carte topographique, cadastre, ou autre document. Le site doit être suffisamment sec et portant pour permettre la venue des foreurs ou des engins de forage (pouvant peser parfois plusieurs tonnes lorsqu’ils sont motorisés et sur véhicule). Il s’agit également de travailler loin des versants et des zones perturbées par l’Homme.
Il faut ensuite effectuer toutes les demandes officielles d’autorisation : préfecture, les services en charge à la DDTM, Conservatoire du littoral, mairie et propriétaires de terrain. En zone habitée ou aménagée, il est nécessaire, au préalable, de s’assurer du positionnement des conduites d’adduction d’eau et des égouts auprès des services adéquats de la mairie. Il faut également prévenir GDF et EDF au moins 3 mois à l’avance. Il peut également être important de prévenir la gendarmerie en cas d’obstruction partielle et temporaire d’une voie par le sondage. Enfin, si le sondage a lieu dans une carrière, il faut faire un courrier dégageant le propriétaire des lieux de toute responsabilité en cas d’accident. Cette démarche est longue et fastidieuse, mais indispensable au bon déroulement du travail de terrain.
Observations de terrain
L’observation et la description détaillées, accompagnées de photographies de l’ensemble des formations-témoins (et de détails particuliers) exposées sur le littoral, constituent une première étape de recueil de l’information.
Certaines de ces formations ne sont pas correctement et suffisamment exposées sur le littoral pour amener à des conclusions définitives. Il est parfois nécessaire d’élargir la zone d’observation en arrière du rivage. Dans certains cas il est nécessaire d’utiliser des techniques d’observation plus complexes telles que des campagnes de sondage qui permettent d’avoir une vision en profondeur du remplissage et de son contenu sédimentaire (inondations alluviales ou de tempête, invasion dunaire).

Analyse détaillée des formations sédimentaires
Que ce soit pour les formations à l’affleurement ou les carottages / forages tarière, des analyses détaillées sont requises. Cette approche consiste à construire, via une approche stratigraphique et paléoécologique sur la période de l’Holocène récent (généralement de -6000 ans à aujourd’hui), l’historique des évènements climatiques en relation avec une évaluation du niveau marin moyen d’époque. Il s’agit d’extraire des indicateurs de fréquence et d’intensité des tempêtes en l’absence de facteur anthropique. Ce travail d’analyse requièrt un nombre conséquent de datations radiocarbones (14C) ainsi qu’une analyse paléoenvironnementale approfondie.
Chronologie des processus. La campagne de datation est indispensable pour établir la chronologie des étapes de mise en place des dépôts sédimentaires. Les divers processus qui ont présidé aux dépôts sédimentaires doivent être précisés de façon fine. On cherche ainsi, au sein d’accumulations sédimentaires, dont la mise en place a pu s’étaler sur plusieurs centaines ou milliers d’années, à identifier des témoignages de processus, comme c’est le cas d’événements météo-marins tels que les tempêtes, qui ont agi pendant quelques heures ou jours. Les datations sont réalisées sur des objets riches en carbone et contemporains du dépôt, tels que le bois enraciné. Les coquilles en position de vie sont également de très bons objets à dater. Les charbons de bois, par contre, sont souvent remaniés, donc beaucoup plus anciens que le dépôt. A titre d’exemple, en Bretagne, une surface d’érosion attribuable aux tempêtes a effacé l’enregistrement sédimentaire sur la période 300 BC-200 AD.
Indicateurs biologiques. Le seul examen visuel macroscopique (à l’œil nu) des sédiments n’est pas toujours à même de fournir une réponse quant aux conditions de son dépôt. Il faut donc rechercher des indicateurs biologiques ou géologiques permettant de préciser les conditions écologiques et climatiques de la période de mise en place. Ainsi, un travail d’analyse fin du colmatage sédimentaire peut être entrepris à des fins paléoenvironnementales et paléoclimatiques pour préciser la récurrence des évènements de tempêtes et leur forçage climatique. Il s’agit d’un travail de recherche long et coûteux. Il concerne essentiellement des analyses micropaléontologiques avec
i) extraction complexe des microfossiles (grains de pollen, spores, capsules céphaliques de chironomidés,) du matériel sédimentaire,
ii) détermination des microfossiles extraits au microscope optique,
iii) analyse paléoenvironnementale associée à la succession d’espèces dominantes observées (variations du contenu en fossiles en fonction de l’âge du prélèvement, témoignant de conditions environnementales passées).
