photographie aérienne de la côte bretonne avec des maisons en front de mer

Délimiter les zones submersibles

La cote maximale que peut atteindre la mer est un paramètre essentiel lorsqu’il s’agit d’estimer l’aléa submersion (franchissement, débordement) et érosion (recul du trait de côte, brèches…). Cette hauteur exceptionnelle permet, par exemple, de dimensionner les ouvrages de protection contre la mer et, associée à une topographie détaillée, de repérer les secteurs du trait de côte propices aux franchissements et les zones basses susceptibles d’être submergées ponctuellement.

Méthodologies et limites

Les niveaux d’eau extrêmes atteints à la côte sont la combinaison de plusieurs paramètres : hauteur de la plus haute mer astronomique, surcotes dues aux basses pressions atmosphériques et aux vents d’afflux, montée du plan d’eau due à l’arrivée des trains de houle à la côte (wave set-up) et à leur déferlement (wave run-up).

Les données nécessaires à ces estimations (caractéristiques de vent, de houle, de pression atmosphérique…) proviennent de deux catégories de variables qu’il est important de bien distinguer :

  • Des mesures d’événements historiques enregistrées à partir de stations météorologiques, marégraphiques et houlographiques. Mais ces mesures sont assez rares en raison du nombre insuffisant de ces stations : par exemple, la plupart des bouées houlographiques sont situées au large, leurs enregistrements sont relativement récents et disponibles seulement sur de courtes durées (quelques mois ou quelques années) ;
  • Des résultats de modélisations, qui se calent plus ou moins sur les mesures enregistrées disponibles. Ils permettent des calculs probabilistes d’occurrence utilisés dans la méthodologie des PPRL pour estimer la hauteur de la houle centennale sur un site donné. Les hauteurs d’eau ainsi obtenues sont tributaires des marges d’erreur des modèles, qui augmentent avec la pauvreté des mesures de paramétrage et la complexité morphologique des petits fonds (côtes à plate-forme à écueils comme dans le nord Finistère, avant-plage à barres et bancs sableux, etc.).

Il arrive en tout cas que certains événements tempétueux génèrent des hauteurs d’eau supérieures à celles obtenues par ces mesures et ces calculs. Dans ce cas, la hauteur réellement mesurée sur le terrain remplace la hauteur calculée en tant que niveau d’eau maximum de référence. C’est le choix qui a été adopté par exemple à Gâvres pour l’étude du PPR, à la suite de la tempête Johanna de 2008 (Peeters et al., 2009).

La question de l’élévation du niveau
marin

En ce qui concerne les prévisions, seuls les modèles peuvent fournir des données et l’incertitude est donc encore plus grande. Dans un contexte de réchauffement global et en l’état actuel des connaissances, il a été décidé très récemment en France de choisir une hypothèse d’augmentation du niveau marin de 0,6 m à l’échéance 2100 (circulaire du 27 juillet 2011). Bien que l’incertitude soit très forte, cette hauteur d’eau permet d’anticiper la probable accélération de la remontée du niveau marin, et d’appliquer un principe de précaution pour la planification des constructions dans les documents d’urbanisme.

Cartes de submersion exceptionnelle actuelle et
future

Une fois la hauteur d’eau de référence adoptée, la cartographie des zones potentiellement submersibles s’effectue par son application sur un référentiel topographique. La technique la plus simple est une méthode statique qui représente les secteurs potentiellement submergés indépendamment de leur protection par des cordons littoraux (dunaires ou de galets) ou par des ouvrages côtiers (digues). De mise en œuvre simple, cette méthode a toutefois tendance à surestimer les hauteurs d’eau dans les zones basses étendues car elle ne tient pas compte de la cinétique de l’inondation ou à les sous-estimer dans des cas particuliers (effets de masse) (Breilh et al., 2013). C’est néanmoins cette base méthodologique qui a été retenue par le CEREMA (ex-CETMEF) en 2012 pour cartographier la vulnérabilité du territoire national aux risques littorauxTrois zones de submersion exceptionnelle y ont été délimitées :

  • La zone d’aléa exceptionnel fort se situe plus de 1 m sous le niveau exceptionnel de référence. Cartographiée en violet, elle matérialise l’espace où, dès à présent, le niveau de submersion exceptionnelle dépasserait 1 m et mettrait la vie humaine en danger (risque de noyade).
  • La zone d’aléa exceptionnel moyen, cartographiée en orange est située entre 0 et 1 m sous le niveau exceptionnel de référence et présente ainsi peu de risques de noyade mais une probabilité de dommages importants.
  • La zone d’aléa exceptionnel futur, en jaune, se situe entre 0 et 0,6 m au-dessus du niveau exceptionnel de référence : l’urbanisation doit y être maîtrisée pour limiter les dommages à long terme (2100).

Exemple des mesures employées à Guissény (29) et Gâvres (56)

Les cartes obtenues représentent les zones potentiellement submersibles en cas de hauteur d’eau exceptionnelle (centennale ou historique). Il faut pour interpréter ces documents garder à l’esprit que, sur des côtes méso et macro-tidales, ces hauteurs d’eau exceptionnelles ne subsisteront que quelques heures au maximum, lors des pleines mers, et que le retour de la basse mer exondera les terrains (sauf ceux présentant une configuration de cuvette sans exutoire majeur).

Un autre haut niveau d’eau est intéressant à estimer pour les submersions futures, dans un contexte de changement climatique et de remontée du niveau marin. Il s’agit du niveau atteint par les pleines mers de grandes marées (coefficient 95 ou supérieur) à l’horizon 2100. En définissant les submersions récurrentes, cette hauteur d’eau permet de planifier l’usage des sols en interdisant par exemple l’urbanisation dans les secteurs qui seraient submergés de façon récurrente (au moins une fois par an).

Les référentiels topographiques

En France, la délimitation des zones submersibles peut s’effectuer à partir des référentiels suivants :

la BD ALTI® dont l’usage est à éviter dans la mesure où sa résolution (25m) et sa précision altimétrique (1 m) n’offrent pas une précision suffisante pour cet usage ;

Le référentiel alti-bathymétrique continu terre-mer Litto3D, coproduit par le Shom et l’IGN, offre une résolution métrique et une précision altimétrique décimétrique. Ce référentiel est donc tout à fait approprié pour une délimitation générale des zones exposées à l’aléa submersion ;

Localement, il existe également des modèles numériques de terrain (MNT) produits par les collectivités territoriales (par exemple en Bretagne). De par leur résolution spatiale, qui peut être métrique à sub-métrique, et leur précision altimétrique décimétrique, il peuvent être tout à fait adaptés à la délimitation des zones basses.

Une donnée de référence : la cartographie des zones basses littorales des services de l’Etat.

Une « Cartographie des zones basses littorales exposées au risque de submersion marine » a été entreprise à la suite de la circulaire interministérielle du 7 avril 2010 demandant notamment aux préfets des départements littoraux de porter à connaissance des élus les études détenues par l’État sur l’exposition de leur commune au risque de submersion. La dernière édition de cette cartographie a été réalisée à partir des données terrestres de Litto3D® et des « Statistiques des niveaux marins extrêmes des côtes de France » publiées par le Shom et le CEREMA (ex-CETMEF). Ces données ont permis de produire des cartes des zones basses littorales qui traduisent le risque de submersion marine sur les communes exposées (pour plus d’informations). La cartographie correspondante peut être consultée à partir de l’application de cartographie en ligne Cartélie, et les données peuvent être obtenues auprès des Services de l’Etat (DDTM).

En résumé

  • L’adoption d’une valeur d’élévation exceptionnelle du plan d’eau présente de fortes incertitudes.
  • Elle repose sur l’analyse de situations historiques, ou sur de la modélisation.
  • Les valeurs obtenues sont des probabilités d’occurrence. Une probabilité centennale, ne constitue en aucun cas la garantie qu’un haut niveau n’arrivera pas demain ou, s’il est arrivé hier, qu’il n’arrivera plus avant 200 ans !
  • A partir de ces valeurs, la cartographie des zones submersibles repose sur deux types de méthodes :
  • la méthode statique repose sur l’application du principe de transparence hydraulique et concerne toutes les zones basses du littoral, indépendamment de leur protection par des formations naturelles (cordons littoraux, dunes) ou par des ouvrages côtiers ;
  • la modélisation hydrodynamique vise à simuler les agents hydrologiques (houles, courants et surélévation du plan d’eau) à l’origine des aléas côtiers et à simuler divers scénarios de rupture des ouvrages de protection du littoral.
  • Dans tous les cas, il s’agit d’estimer en première approche les périmètres exposés au risque de submersion marine afin d’optimiser et de cibler l’effort de description des enjeux.
  • Conformément à la bibliographie et aux textes officiels, il est donc recommandé de délimiter un périmètre large, correspondant au niveau maximal pouvant être potentiellement atteint par les eaux, afin de permettre une bonne prise en compte de l’ensemble du territoire concerné et de ses enjeux.